Jeanne Hersch (Genève, 1910-2000) s'oriente très tôt vers la philosophie, sous l'influence de celui qui restera toujours son maître, Karl Jaspers. Docteur ès lettres, elle enseigne la philosophie à l'Université de Genève dès 1956, dont elle devient professeur en 1962. Son autorité intellectuelle et morale sur le plan international lui valent d'être appelée à la direction de la philosophie de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco), de 1966 à 1968.
A l'occasion du 20e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, elle dirige en 1968 la publication d'un ouvrage fondamental Le Droit d'être un homme, recueil de textes de toutes les traditions culturelles du monde et d'époques les plus diverses, qui démontrent que le principe des droits de l'homme et de la dignité humaine est ancré dans l'esprit des hommes.
De 1970 à 1972, Jeanne Hersch représente la Suisse au Conseil exécutif de l'Unesco. Fidèle à sa vocation d'enseignante – elle a marqué des générations d'étudiants -, elle a poursuivi sa carrière de professeur à la Faculté de Genève jusqu'en 1977. Elle a illustré son combat pour la liberté et contre l'injustice à travers d'innombrables ouvrages, articles et conférences.
Le concept de droits de l'homme répond à un besoin exprimé dans toutes les cultures
C'est en philosophe qu'elle s'interroge sur les droits de l'homme, leur raison d'être et leur fondement. Pour elle, seul le "détour philosophique" peut permettre de comprendre pourquoi ces droits, en théorie universellement reconnus, continuent en pratique d'être bafoués un peu partout dans le monde. La philosophie des droits de l'homme, considérée comme l'expression majeure de l'impératif moral dans le champ sociopolitique, s'inscrit pour Jeanne Hersch au cœur d'une réflexion beaucoup plus large sur la spécificité de la nature humaine.
Prenant la parole à l'occasion du cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, en 1998, elle rappelait ce qu'elle affirmait déjà en 1968 dans Le Droit d'être un homme : le concept de droits de l'homme, s'il n'est pas universel, répond à un besoin exprimé dans toutes les cultures et toutes les langues depuis que les sociétés humaines existent; ce besoin "contre nature", puisqu'il s'oppose à la loi naturelle du règne du plus fort, exprime en fait la quintessence de la nature humaine. L'homme, en effet, "est doué de la capacité, et donc du droit, et donc du devoir, de faire de lui-même un être responsable de ses décisions et de ses actes, reconnaissant du même coup la même capacité, le même droit, le même devoir à tout autre être humain."
"Telle est – souligne Jeanne Hersch - la seule raison des Droits capable de résister aux démentis de l'expérience et de l'histoire. La nature leur inflige trop d'échecs pour qu'on puisse les fonder à moindre frais. Il y faut ce fondement absolu : l'acte de foi en l'homme, sans lequel il ne peut qu'être vaincu par le droit du plus fort, maître de la nature." 05.2000.
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